Dans un arrêt rendu en date du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat (chambres réunies) est venu rappeler la liberté pour les Fédérations de chasseurs (FDC) d’organiser leurs propres modalités de fonctionnement, consacrant ainsi le système fédéral du réseau des Chasseurs français. Le présent arrêt opposait l’Office National des Forêts (ONF) à la FDC du Doubs, sur un litige relatif à la fixation du montant des cotisations selon les différentes catégories d’adhérents, sur proposition du conseil d’administration de ladite Fédération.
I. Rappel des faits et de la Procédure
L’ONF, dans la mesure où il est titulaire de droits de chasse sur des terrains situés dans ce département et bénéficiaire d’un plan de chasse pour ces terrains, est adhérent de la fédération départementale des chasseurs du Doubs.
Par une résolution du 25 avril 2015 prise sur proposition du Conseil d’administration, l’assemblée générale de la FDC du Doubs a décidé que la cotisation annuelle due pour la saison de chasse 2015-2016 comporterait, pour les adhérents titulaires de droits de chasse, une part fixe de 125 euros et une part proportionnelle à la surface des territoires détenus par chaque adhérent de 0,12 euro l’hectare et, pour les adhérents titulaires d’un permis de chasser, une seule part fixe.
L’ONF, à l’origine du litige, sollicitait du tribunal administratif de Besançon d’annuler la résolution n° 4 du 25 avril 2015 par laquelle l’assemblée générale de la FDC du Doubs avait fixé le tarif de cette cotisation d’affiliation des territoires pour la saison de chasse 2015-2016.
Par un jugement rendu 25 avril 2017, le tribunal administratif rejetait cette demande en annulation de la résolution.
L’ONF interjetait appel devant la Cour administrative d’appel de Nancy.
Par un arrêt n° 17NC01478 du 7 juin 2018, la cour administrative d’appel rejetait l’appel formé par l’Office national des forêts contre ce jugement.
L’ONF formait alors un pourvoi aux fins d’annulation de cet arrêt.
II. Arrêt du Conseil d’Etat (chambres réunies) N°422 590 du 22 Juillet 2020
Dans son arrêt du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat vise :
- D’une part, les dispositions des articles 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
- D’autre part, les dispositions des articles L.421-5 et L.421-8 du Code de l’environnement (dans leur rédaction alors applicables) et de l’article L. 421-9 du même code.
Au visa de ces dispositions, le Conseil d’Etat énonce clairement que l’assemblée générale de cette fédération est compétente pour fixer, sur la proposition du conseil d’administration, le montant des cotisations dues par les membres.
En conséquence, le Conseil d’Etat juge que c’est sans erreur de droit que la Cour administrative d’appel a jugé que l’assemblée générale pouvait adopter la décision attaquée.
En outre, la Haute juridiction rappelle avec force que la liberté d’association telle que garantie par l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales recouvre la liberté, pour une association, d’organiser librement ses modalités de fonctionnement, sauf restrictions prévues par la loi et justifiées par l’un des buts légitimes énoncés à cet article.
Au cas d’espèce, la FDC du Doubs dispose de statuts conformes au modèle fixé par arrêté ministériel, qui stipulent qu’elle est compétente pour fixer, sur proposition du conseil d’administration, le montant des cotisations dues par les membres.
Entre autres considérations, le Conseil d’Etat juge finalement que c’est à bon droit que la Cour administrative d’appel a estimé que l’ONF n’avait pas assorti des précisions nécessaires à l’examen de son bien-fondé le moyen tiré de ce que le conseil d’administration et l’assemblée générale n’auraient pas disposé d’informations suffisantes avant de décider du montant des cotisations.
Il résulte de tout ce qui précède, que l’ONF n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. Le pourvoi est rejeté et l’arrêt met fin à un litige initié il y a plus de cinq ans, en rappelant que les fédérations des chasseurs sont investies de missions de service public définies par le code l’environnement.
A ce titre, leurs modalités de fonctionnement doivent répondre à la nécessité pour l’État de s’assurer que les fédérations sont en mesure de répondre de manière satisfaisante à leurs missions de service public.
En conclusion, les FDC sont légitimes à exiger des cotisations obligatoires auprès de leurs différentes catégories d’adhérents qui n’ont pas tous le même droit de vote au sein de l’assemblée générale des fédérations.
Sur ce point, il peut-être utilement rappelé que le décret n°2020-583 du 18 mai 2020 permettait d’aménager en 3 points, jusqu’au 10 juillet 2020, le fonctionnement des FDC qui n’ont pu respecter les dispositions réglementaires applicables du fait de la crise sanitaire (voir sur ce point: https://berger-avocats.org/crise-sanitaire-covid-19-et-adaptations-reglementaires-relatives-a-la-chasse/)