Dans un arrêt du 17 Décembre 2019 (n° 18-86.358) la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler l’interdiction de la chasse en enclos…. de nuit.
I. Rappel du Droit applicable et définition
Dabord, il doit être rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article L.424-3 du Code de l’environnement, pour qu’une propriété jouisse du privilège de l’enclos, les conditions cumulatives suivantes doivent être réunies :
- la propriété comporte une habitation,
- le terrain doit être attenant à l’habitation,
- et être entouré d’une clôture très complète, id est continue, constante et faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins.
(NB: Si l’une de ces conditions cumulatives n’est pas remplie, il ne s’agit pas d’un enclos, mais éventuellement d’un parc de chasse, de sorte qu’aucun régime dérogatoire n’existe.)
» (…) le propriétaire ou possesseur peut, en tout temps, chasser ou faire chasser le gibier à poil dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d’une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l’homme. » (L.424-3, I C.env.)
Sous réserve de respecter ces conditions strictes, l’exercice de la chasse est rendu possible toute l’année dans ces espaces. Mais le terme « en tout temps » ne veut pas dire n’importe quand…
II. Procédure et faits de l’espèce
Dans cette affaire, les prévenus ont été poursuivis pour chasse non autorisée en réunion de nuit avec usage d’un véhicule et port d’arme.
Condamnés par le tribunal correctionnel de Dijon le 06 novembre 2017, ils ont interjeté appel.
Par un arrêt en date du 20 Septembre 2018 (n° 18/563) la Chambre des appels correctionnels de Dijon a confirmé le jugement, jugeant que les prévenus doivent être condamnés du chef de chasse de nuit, en réunion, avec usage d’un véhicule et avec port d’arme. Ils ont tiré sur des cervidés de nuit en s’étant rendus sur les lieux en véhicule.
Pour leur défense, les prévenus prétendaient qu’ils croyaient que la chasse de nuit est autorisée pour tout particulier sur son propre terrain et invoquaient donc l’erreur sur le droit.
Cet argument était écarté par la Cour, estimant que les prévenus sont chasseurs depuis plus de 20 ans et qu’ils ne peuvent ignorer que l’interdiction de chasser la nuit se fonde sur des raisons de sécurité. En outre, la gestion des espaces privés s’inscrit dans le cadre de la gestion cynégétique nationale et n’échappe donc pas à toute réglementation. Les prévenus ne peuvent ainsi invoquer l’ignorance de la loi.
M. Christophe J. et M. Simon P. ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 20 septembre 2018, qui, pour infraction à la réglementation sur la chasse, a condamné le premier à 100 jours-amende à 30 euros, le second à 100 jours- amende à 10 euros, les deux à un an de privation du permis de chasser, a ordonné des mesures de confiscation.
III. Arrêt du 17 décembre 2019 (n°18-86.358)
Au moyen de leur pourvoi, les prévenues soutenaient deux arguments :
- la réglementation générale de la chasse n’est pas applicable dans une propriété répondant aux critères définis par l’article L. 424-3 du code de l’environnement ; qu’en retenant, pour dire établie la culpabilité des prévenus, que la chasse de nuit était prohibée même dans une propriété privée, la Cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;
- en tout état de cause, n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ; que la jurisprudence de la Cour de cassation, non remise en cause depuis 1984, étant en ce sens que la réglementation générale de la chasse n’est pas applicable dans une propriété répondant aux critères définis par l’article L. 424-3 du code de l’environnement, anciennement article 366 du code rural, la Cour d’appel, qui a écarté l’erreur invoquée par les prévenus quant au droit qu’ils pensaient légitimement avoir de chasser de nuit dans une propriété privée, a méconnu les textes susvisés”.
La Cour de cassation considère que La Cour d’appel a justifié sa décision en énoncant que les prévenus, chasseurs depuis plus de vingt ans, ne sauraient affirmer sans une mauvaise foi évidente que la chasse de nuit est autorisée pour tout particulier sur ses propres terres, qui plus est avec des engins motorisés, alors que cette interdiction est notamment commandée par des impératifs de sécurité pour les chasseurs et des considérations éthiques et que la gestion des espaces privés, qui peuvent être traversés par des espèces sauvages même lorsqu’ils sont clos, s’inscrit dans le cadre de la gestion cynégétique nationale et ne saurait échapper à toute réglementation.
La Haute juridiction répond aux deux arguments soulevés au soutien du pourvoi :
- D’une part, l’article L. 424-3 du Code de l’environnement, qui figure dans une section dudit code relative au « Temps de chasse » défini à l’article L. 424-2, n’apporte de dérogation, pour la chasse réalisée dans un enclos, qu’aux périodes de chasse et aux dispositions des articles qu’il énumère parmi lesquels ne figurent pas les dispositions incriminant la chasse de nuit.
- D’autre part, les prévenus, qui, dans leurs conclusions, n’avaient invoqué une erreur sur le droit qu’à raison de leur ignorance d’un arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2005 qui aurait, selon eux, interdit la chasse de nuit dans un enclos, ne sauraient se prévaloir, pour la première fois devant la Cour de cassation, d’une erreur sur le droit fondée sur l’autorisation de chasse de nuit dans un tel enclos qui résulterait, selon eux, d’un arrêt du 3 mai 1984 dont ils n’avaient pas indiqué avoir connaissance devant les juges du fond.
Le pourvoi est rejeté.