Par Me Benoît BERGER

L’autorisation de déplacer une hutte de chasse existante ne vaut pas en elle-même autorisation de chasser à partir de cette hutte.

Cass. Crim., 9 mars 2021, pourvoi n° 20-81.330

La Chasse à la « hutte » ou au « gabion » ou à la « tonne » est un procédé de Chasse à l’affût.

Ces huttes sont utilisées pour la Chasse au gibier d’eau, généralement de nuit, celle-ci constituant une tradition bien enracinée dans nombre de départements français.

Il s’agit-là d’une exception puisque, par principe, la chasse de nuit est prohibée par la Loi.

La Loi chasse n°2000-698 du 26 juillet 2000 a reconnu la chasse de nuit à partir de ces installations dans 27 départements où elle était pratiquée traditionnellement.

Si la réglementation qui les encadre est très stricte, notamment afin de préserver la faune, l’on relèvera que par définition la Chasse à l’approche et à l’affût sont des procédés de chasse qui non seulement évitent le dérangement de la faune, mais permettent de choisir l’animal à prélever.

Ainsi, des arrêtés ministériels propres à chaque département autorisent la Chasse à partir de ces installations, construites de la main de l’Homme.

Dans un arrêt du 9 mars 2021 (n°20-81.330), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler que la seule autorisation de déplacer une hutte ne vaut pas autorisation de s’en servir pour chasser.

En effet, les chasseurs doivent également demander et obtenir cette autorisation spécifique, à défaut de quoi, ils s’exposent à des poursuites… et des sanctions.

Ainsi, justifie sa décision une Cour d’appel qui, pour condamner des prévenus du chef de chasse de nuit aggravée, énonce qu’une hutte qui ne bénéficiait pas d’un arrêté préfectoral d’autorisation de la pratique de la chasse de nuit ne pouvait, bien que son déplacement ait été autorisé, être utilisée à cette fin.

I. Rappel des faits et de la procédure


Des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont procédé au contrôle d’une hutte de chasse occupée par des chasseurs qui venaient de tirer des coups de feu et dont le cahier de prélèvement révélait une activité de chasse nocturne régulière.

Les prévenus ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir chassé la nuit ou en temps prohibé, en réunion et en étant muni d’une arme apparente ou cachée, en utilisant un véhicule pour se rendre sur le lieu de l’infraction, en l’espèce une hutte de chasse non autorisée, ou pour s’en éloigner.

Les premiers juges les ont déclarés coupables de ces faits devant le tribunal correctionnel.

La Cour d’appel confirmait la décision des premiers juges.

Un pourvoi était alors formé devant la Haute juridiction.

II. Arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2021 (n°20-81.330)


Deux moyens étaient retenus par la Cour :

Le premier moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, alors que selon eux, l’autorisation de déplacement d’un poste fixe de chasse de nuit de gibier d’eau donnée par le Préfet en application de l’article R. 424-9 du Code de l’environnement, « implique nécessairement que ce poste de chasse puisse, dans son nouvel emplacement, être utilisé pour la chasse au gibier d’eau la nuit ».

Dès lors, en considérant qu’il ne résultait pas de l’arrêté préfectoral du 8 juin 2011 autorisant le déplacement de la hutte de chasse qu’il donnait autorisation de l’utiliser pour la chasse la nuit, cependant que cette autorisation découlait, implicitement mais nécessairement, de l’autorisation de déplacement du poste de chasse, la Cour d’appel a violé les articles L. 428-5-1, R. 424-17 et R. 424-19 du Code de l’environnement.

Le deuxième moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, alors que, selon eux, en se bornant à affirmer qu’ils ne pouvaient pas ignorer qu’ils étaient en infraction, sans préciser, pour l’un d’eux de quel élément concret elle déduisait cette affirmation, la Cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi violé les articles L. 428-5-1 du Code de l’environnement et 593 du Code de procédure pénale.

Réponse de la Cour de cassation :

Pour confirmer le jugement sur la culpabilité, l’arrêt attaqué énonce qu’au vu d’un arrêté préfectoral  du 2 septembre 1976 prévoyant que toute hutte de chasse existante devrait faire l’objet d’une déclaration en mairie pour obtenir une autorisation d’utilisation pour la chasse de jour et de nuit, un numéro a été attribué à la hutte en cause par un récépissé du 10 février 2001 qui précisait que la délivrance de ce document n’avait pas valeur d’une telle autorisation, que le déclarant demeurait en infraction au regard de cet arrêté et devait déposer un dossier de régularisation dans un délai de deux mois.

Les juges du fond ajoutent que si un arrêté préfectoral du 8 juin 2011 a autorisé le déplacement de cette hutte, il n’en a pas autorisé l’utilisation pour la chasse de nuit et qu’aucune régularisation tacite ne peut s’en déduire.

A ce titre, l’arrêt relève que dans un courrier du 23 janvier 2018, le directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) a rappelé à l’un des prévenus que cet arrêté du 8 juin 2011 ne l’exonérait pas des mesures prévues dans l’arrêté préfectoral du 2 septembre 1976.

En outre, ils retiennent que si un récépissé de déclaration de poste fixe utilisé pour la chasse de nuit au gibier d’eau du 5 décembre 2018 a autorisé la pratique d’une telle chasse, cette mesure n’était pas rétroactive et qu’il ressort, au contraire, d’un courriel du chef d’unité de la DDTM du 19 juillet 2019 qu’avant ce dernier récépissé, la hutte ne possédait aucune autorisation préfectorale.

En conséquence, la Cour d’appel conclut à bon droit que les prévenus, qui n’ont pas pu présenter un arrêté indiquant expressément que la hutte qu’ils utilisaient était autorisée pour la chasse de nuit, ont chassé de nuit dans une hutte dépourvue d’une telle autorisation et qu’ils ne pouvaient ignorer qu’ils étaient en infraction.

En conclusion, dès lors que l’autorisation de déplacement d’une hutte ne vaut pas en elle-même autorisation de chasser, la Cour d’appel a caractérisé tant l’élément matériel que l’élément intentionnel de l’infraction à l’égard des deux prévenus.

Le pourvoi est rejeté.